10 astuces pour la relecture et la correction de manuscrits
Le plaisir d’écrire pour un écrivain est enivrant mais il ne doit pas nous faire perdre de vue une tâche moins enthousiasmante : la relecture et la correction de son roman et la correction de manuscrits en général.
Parfois, il arrive qu’il y ait un décalage entre ce qu’on a imaginé dans notre esprit et ce que l’on a retranscrit. Certains passages sonnent faux. Certaines phrases aussi ne traduisent pas nos intentions d’écrivain, elles sont lourdes ou ne retransmettent pas le message désiré. Attention en revanche à ne pas être trop sévère avec soi-même, si c’est votre premier roman, quelques imperfections sont acceptables ! Votre style va s’améliorer au fur et à mesure de vos écrits et vous n’êtes pas obligé de rivaliser avec Victor Hugo dès vos débuts.
Afin d’aboutir à un travail sérieux et un roman satisfaisant, une série d’étapes sont à mettre en place pendant et après l’écriture. On distingue aussi le fond et la forme. Par exemple, certains auteurs ont une bonne plume mais négligent les fautes, d’autres obtiennent un résultat très rigoureux au niveau de la qualité de la langue et du récit toutefois la magie n’opère pas et on n’entre pas dans l’histoire. Bien que la rédaction d’un roman ne soit pas quelque chose de mathématiques, elle suit certaines astuces qui peuvent améliorer drastiquement le manuscrit.
L’attitude du correcteur ou de la correctrice au fil du roman
Le travail de relecture de votre roman n’est pas inné. En effet, on parle de votre bébé, de ces centaines de pages qui vous ont coûté tant de nuits blanches et tant d’heures seul-e devant votre ordinateur à louper de merveilleuses sorties ! Il va donc falloir revoir votre état d’esprit général. Et surtout rester dans la bienveillance. On veut se corriger mais pas se flageller !
La relecture et la correction de manuscrits ont besoin de temps !
Peut-être vais-je de nouveau briser vos espérances, mais lire d’une traite votre roman tout à la fin de son écriture ne suffit pas. Une histoire a besoin de mûrir, d’évoluer, d’être questionnée. Je suis sure que quand vous relisez certains passages, vous sentez que quelque chose cloche, mais il y a tellement de pages à corriger que vous ne prenez pas le temps. Or si vous ne prenez pas le temps, les lecteurs le prendront et c’est dommage ! Un écrivain fonctionne avec ses impressions. Tenez-en compte. C’est pourquoi il faut vous relire progressivement. Pas systématiquement mais à la fin de chaque chapitre (ou partie selon les séparations que vous avez choisies) par exemple, relisez-vous, analysez les effets ressentis.
Pourquoi relire plusieurs fois, que ce soit en cours d’écriture ou à la fin ? Parce que certaines fautes peuvent ne pas nous sauter aux yeux de prime abord. C’est notre cerveau qui a façonné les enchaînements de phrases donc il aura plus de difficultés à détecter ses propres erreurs.
Il ne faut pas non plus tomber dans le scénario inverse et ne cesser de relire et relire inlassablement son texte. Le résultat en serait vitre contre-productif. Pour mon premier roman, j’étais tombée dans cet écueil. Au bout d’une trentaine de pages écrites, je ne pouvais m’empêcher de les relire, j’y trouvais toujours de quoi corriger, de quoi revoir le style, les effets que produisaient les personnages. Et ce qui devait arriver arriva, j’ai arrêté d’écrire pendant de longs mois, je n’étais jamais satisfaite. Enlisée dans une spirale du mécontentement, j’ai perdu le fil.
Afin de ne pas sombrer, la préparation de votre manuscrit en amont est capitale. Elle oriente votre écriture, votre recherche et de facto, votre relecture. Mais elle est une étape à part entière et nous en reparlerons dans un prochain article si le sujet vous intéresse.
La relecture de livre dans le calme
Bien que ce conseil puisse être personnel, (chacun a ses petits secrets bien gardés !) je fais partie de celles et ceux qui défendent bec et ongle un calme olympien pour relire son manuscrit. On éteint la télé, on coupe la radio, on évite la soeur, les frères ou les enfants qui braillent et on se concentre ! Certaines et certains optent pour une musique douce, allez à la limite !
Par exemple, une étude sur les « open space » par la chercheuse Gloria Mark montre que « La concentration des salariés sur une tâche est en moyenne de 11 minutes (avant d’être interrompus par une autre tâche). Par la suite ils auront besoin d’environ 25 minutes pour de nouveau se concentrer sur la tâche ».
Le but d’une correction de manuscrits réside dans l’efficacité. Vous devez donc offrir à votre cerveau tout le confort nécessaire. Evidemment, vous pouvez vous permettre une fois une correction plus relâchée, juste pour voir ce que ça donne. Mais sachez qu’il vous faudra opérer une relecture beaucoup plus approfondie dans un cadre plus serein et propice à la concentration de vos neurones !
Imaginez que ce n’est pas votre livre
Un conseil que je me suis appliquée à moi-même, et qui a littéralement changé ma conduite et mon rendu : se mettre dans la peau d’un lecteur ou d’une lectrice lambda en lisant son roman comme si on le découvrait. Il vaut mieux attendre quelques jours, se changer d’air, lire même d’autres livres ou extraits de livres et d’un coup, se plonger tête baissée dans ce nouveau roman, ce presque bientôt best-seller qui est entre vos mains.
Mon astuce préférée pour être au calme et faire comme si je découvrais ma prose est d’imprimer mon livre. J’ai beaucoup de mal à faire des corrections sur PC. Tenir mon histoire entre mes mains me donne l’illusion que ce n’est pas de moi. J’essaie de vider mon cerveau, de faire comme si je n’avais jamais lu le texte et que je lisais le roman écrit par quelqu’un d’autre. L’idéal est de laisser décanter votre texte le plus longtemps possible pour que votre cerveau se détache de ce qu’il a écrit.
Lumière sur le fond
Nous rentrons alors dans le vif du sujet, la correction de manuscrits à proprement parler. Ne vous inquiétez pas je ne vous abandonne pas en si bon chemin. Viens le temps des questions. Est-ce que le début me donne envie de poursuivre ? Est-ce que j’accroche avec les personnages ou me laissent-ils indifférente ? Y a-t-il suffisamment ou trop de descriptions ?
Un bon exercice, en matière de correction sur le fond de l’histoire, est d’écouter son texte, de le réciter ou mieux de le faire réciter par quelqu’un d’autre. Vous pouvez aussi prendre des avis extérieurs de personnes de confiance. Dans l’optique de vous aiguiller, je vais vous soumettre quelques questions que j’utilise pour interroger mes propres textes.
Le récit
En dehors des fautes d’orthographe, de votre plume et de toute autre considération, pour la relecture de votre roman, votre histoire tient-elle la route ? La question est de savoir si votre récit est cohérent dans son ensemble, que ce soit par rapport aux personnages et leur caractère ainsi que l’univers. Pour caricaturer, utilisez-vous des téléphones portables si votre histoire se déroule au Moyen Âge ? Mais si on peut vous pardonner quelques anachronismes légers, votre récit est-il alléchant ? Répond-il aux attentes des lecteurs et aux promesses que vous faites ? En entamant votre roman, vous passez un pacte avec votre lecteur en lui promettant qu’il va passer un bon moment. A vous de tenir vos promesses ! .
Chaque style littéraire a ses recettes miracles. Mais elles tournent autour de ce que j’appellerai l’évidence du pacte écrivain-lecteur.
Si c’est un palpitant thriller noir, il va falloir embrouiller l’esprit de votre lecteur sans pour autant le perdre. Suspens ne veut pas dire alambiqué (du moins pas trop!). De même, si c’est une histoire d’amour, les ingrédients d’une narration plus ou moins pimentée doivent être au rendez-vous.
Ainsi, vous devez avoir fait ressortir l’intrigue du livre de manière efficace. Enveloppée de jolis phrases c’est encore mieux, mais surtout votre intrigue doit être claire et palpitante. Par exemple, « Captive » de Sarah Rivens n’est pas écrit dans un style exceptionnel, le récit manque parfois de fluidité, en revanche, il promet une intrigue claire : la tension amoureuse entre une « captive » et son « possesseur » propulsant le livre sur les devants des librairies.
Les personnages
L’affinité avec les personnages et surtout le personnage principal va déterminer si votre lecteur poursuivra le bouquin ou pas… Il va falloir lui donner des couleurs, une personnalité bien à lui, que l’on va aimer ou détester selon vos ambitions. Vos lecteurs ont besoin de le connaitre intimement, d’entrer dans sa tête, de deviner ses pensées dans l’idée de suivre son parcours.
Attention aussi aux personnages soit tout gentils, soit tout méchants. La vie n’est pas manichéenne, vos personnages ont des jours sans et des jours avec. Il peut être ennuyeux d’avoir un narrateur toujours parfait face à des gens bêtes et méchants. Travaillez leur histoire en répondant aux questions : quels sont leurs qualités et leurs défauts ? Quel est leur passé et comment ce passé détermine la personne qu’ils sont devenus ?
Et surtout, faites évoluer vos personnages. Il n’y a rien de plus rasoir qu’une gentille héroïne qui fait toujours tout comme il faut, qui est toujours dans la mesure et la justesse. Il faut surprendre vos lecteurs. Une fois que votre récit et vos personnages sont présentés clairement, il faut amener les lecteurs hors des sentiers battus en inversant les constantes établies. Etonnez votre lectorat parce que ce que vous voulez ce sont des émotions. ce dernier doit passer par la haine, la joie, le rire, la colère, l’anxiété, la curiosité en quelques pages.
L’univers
Enfin, si l’intrigue est bonne, les personnages complexes mais à la personnalité fluide, il ne reste plus qu’à planter l’univers, d’autant que certains styles littéraires requièrent une bonne dose de réalisme, comme la fantasy et la science fiction. L’univers vous permet ainsi d’ancrer vos lecteurs dans un décor et de ne pas tomber dans les affres d’une histoire plate seulement traversée par des rebondissements qui sonnent faux.
Certains auteurs craignent de perdre leur lectorat dans des descriptions trop longues et trop tarabiscotées, or, une description a son utilité. Bien sûr en premier lieu, elle dépeint un décor afin d’incruster les lecteurs dans une ambiance, elle éveille les sens parce qu’on titille notre odorat, notre ouïe, notre vue, notre toucher et pourquoi pas notre goût.
Mais, à travers les mots uniquement descriptifs en apparence, l’auteur donne un rythme au récit et un ton qui apportent ce je-ne-sais-quoi de spécial qui va différencier le livre de tout autre ouvrage. Il sera unique dans la mesure où il a une façon particulière de représenter le monde et d’évoquer des banalités pour en faire jaillir un rendu concret, presque matériel. L’auteur se livre à travers ses descriptions.
Il n’est pas question de dire « il y a une fleur dans un vase » mais par exemple, « la fleur qui dépérit dans le verre à moutarde qui me sert de vase reflète assez bien mon état d’esprit ». On a le ton décalé du protagoniste qui fait preuve d’autodérision le rendant sympathique. On retrouve évidemment le décor de la pièce, plutôt mal en point, miroir de l’humeur du protagoniste. Il est question de relief et de mettre en perspective un univers avec une ambiance. Je trouve désolant de lire en commentaire d’un livre que l’univers n’est pas assez développé. C’est dommage.
Correction des fautes
Mon précédent article portant sur les bons outils de l’écrivain revient sur quelques techniques de correction et pourquoi il est obligatoire de procéder à une relecture et une correction efficaces. Bien sûr vos amis ou la famille peuvent aider. Vous avez sûrement un bon niveau d’orthographe aussi. Mais une correction professionnelle reste de rigueur. Pour dresser une to-do-list des fautes à surveiller, voici quelques points à vérifier :
- Les répétitions
- employer trois fois le même mot sur la même page, ça le fait bof. Ok, vous avez appris le mot « mutique » et vous voulez le placer à toutes les lignes mais on va quand même essayer de temporiser et de chercher des synonymes. D’ailleurs, la recherche de synonymes est très efficace pour enrichir son vocabulaire et nuancer les scènes et les émotions décrites.
- les tics de l’écrivain et vos tournures de phrases fétiches. Oui, on a toutes et tous nos petites expressions favorites, celles qui passent bien et arrivent à résumer votre pensée efficacement. Toutefois, n’en abusez pas ! Une fois encore, misez sur les synonymes, des expressions approchées. Vous pouvez aussi essayer de formuler la phrase d’une toute autre manière, voire de manière imagée.
- Gardez à l’esprit que plus votre plume est précise, plus elle sera capable d’exprimer votre idée avec précision et ainsi le lecteur pourra plus facilement rentrer dans votre monde. Par exemple, quand je travaille avec des auteurs, j’ai remarqué qu’ils mentionnent souvent des événements sans que nous sachions comment le personnage les appréhende. On devine si c’est positif ou négatif dans sa vie mais on a du mal à comprendre le personnage. Plus vos lecteurs peineront à vous comprendre, plus ils s’éloigneront de votre livre qui manquera de crédibilité et d’authenticité à leurs yeux.
- Les lourdeurs
- A l’inverse, attention à ne pas tomber dans des longueurs inutiles. Chaque phrase doit ajouter de la valeur, même une description n’apporte pas que des éléments plats comme vu précédemment, elle donne de la couleur et du relief aux personnages et à son univers, elle place le lecteur dans une certaine ambiance, un certain mood.
- Evidemment, l’écriture d’un roman n’est pas une science mathématique où l’on saura par A+B ce qu’il faut faire ou qui mettra tout le monde d’accord. Elle est un art arbitraire qui peut fluctuer d’une personne à une autre, d’un goût à un autre. Toutefois, il reste des invariants. Détailler sur trois pages comment vous mangez votre croissant, à moins d’être Marcel Proust, ça risque de coincer au niveau de l’intérêt de votre lectorat ! Dans un roman, la question n’est pas de quoi vous parlez mais comment !
- les fautes classiques
- Même si vous n’avez pas le niveau orthographique d’un Bescherelle, certaines erreurs peuvent être évitées en vérifiant les accords, les conjugaisons, le choix des mots. N’hésitez pas à vous entrainer sur Youtube ou autres, des vidéos sont très bien faites afin de vous faire progresser rapidement en français.
- les phrases qui ne passent pas
- Il arrive que dans le feu de l’action, dans cet élan frénétique d’écriture qui vous a animé une nuit très tard, une marmite de café comme seul compagnon, certaines phrases n’aient pas de sens ou du moins en jettent beaucoup moins que l’effet initial escompté. Elles sont rébarbatives, les jeux de mot n’ont aucun sens et sont lourds, voire trop personnels qui ne parleront pas aux lecteurs. A cet instant, il faut s’écouter et ne pas se laisser avoir par la flemme de se dire « ce n’est qu’un paragraphe, ce n’est pas grave, ça ne se verra pas ».
- L’authenticité ! C’est le maître mot qui doit guider votre relecture. Est-ce que mes scènes, mes personnages, mon décor sont authentiques et crédibles ?
Les petites astuces cadeaux
Ces conseils n’ont pas vocation à corriger à proprement parler votre roman mais ils vont de pair avec une pratique d’écriture aboutie et sérieuse. Ils permettront de développer vos sources d’inspiration, vos habitudes et votre style littéraires.
Lire, lire et lire
Ce ne doit pas être la première fois qu’on vous donne ce conseil mais un bon écrivain se doit de lire tout le temps, et toutes sortes de livres, évidemment dans votre domaine de prédilection mais aussi des ouvrages qui peuvent donner de la contenance à vos écrits.
Par exemple, je double toujours mes lectures quotidiennes (surtout des drames psychologiques, des romans noirs ou des livres plus joyeux avec quelques romances) de podcasts philosophiques ou historiques (en ce moment je suis très branchée grands espions de l’histoire). Pour autant, le but n’est pas d’écrire un roman philosophique mais plutôt d’introduire un thème profond en filigrane ou d’esquisser des paragraphes plus profonds par moment.
Consciemment ou non, votre cerveau enregistre des tournures de phrases, des styles, des manières de présenter un enchainement d’actions ou une description. Evidemment, la lecture garantit l’enrichissement du vocabulaire et un usage plus conforme de l’orthographe et de la grammaire françaises.
Elle permet aussi de confronter vos propres pratiques avec celles d’un auteur expérimenté. Pourquoi vous avez aimé tel passage ? Pourquoi celui-ci vous a fait douter de la poursuite de votre lecture ? Pourquoi ce roman n’a pas suscité l’émotion et le suspens que vous attendiez ?
Multiplier les visites et autres découvertes
Multiplier les sources de culture ne peut être que profitable pour votre livre. La lecture ou les visites culturelles enrichissent votre curiosité. Elles sèment de nouvelles graines et diffusent une inspiration revivifiée. La richesse d’un roman tient aussi au message qu’il porte non pas politique ou militant mais un message profond qui secoue les âmes et les cœurs. Il peut s’agir de la peur, de la détresse comme de réflexions ontologiques ou philosophiques et même la recherche de légèreté.
Il envoie un message qui balaie toutes les pages et qu’il ne faut pas négliger. Plus vous ouvrez votre esprit aux autres et à d’autres horizons, plus vos personnages gagnent en profondeur et en crédibilité (oui, on y retourne encore et toujours).
Ecrire pour un rien
Le meilleur conseil donner à un écrivain ou écrivaine est bien sûr d’écrire, pour un oui ou pour un non. Si l’appétit vient en mangeant, la facilité pour l’écriture vient en écrivant. Vous n’avez pas votre ordinateur ? Peu importe, votre téléphone ou une feuille de papier suffisent. Il m’est arrivé, au début de ma carrière de me laisser des vocaux quand une émotion ou un événement m’inspirait.
Si ces conseils ne vous suffisent pas ou que vous cherchez un correcteur de roman, un correcteur professionnel, n’hésitez pas à m’écrire. J’ai également créé le site lacomposition.fr.
Estelle Gautier
Biographe, auteure et rédaction web